Mais qui sont les néo-ruraux ?

Les nouveaux ruraux correspondent-ils vraiment à l’image qu’on s’en fait ? c’est à dire des cadres parisiens en télétravail ? Et bien une fois de plus, quand on regarde la réalité avec attention… Les choses ne sont pas aussi simples qu’on le croit.

Une enquête récente pilotée par la plate-forme d’observation des projets et stratégies urbaines et révélée par le Monde montre la diversité de profils de ceux qui se sont installés à la campagne. Et égratigne largement le mythe d’un exode urbain. Non, la pandémie n’a pas vidé les métropoles au profit des zones rurales ni provoqué de bouleversements géographiques majeurs. Non, la sociologie des nouveaux ruraux ne se réduit pas à la figure du cadre en télétravail rachetant une longère dans une campagne reculée. Non, la crise sanitaire n’est pas le seul facteur de mobilité qui explique le nombre accru de candidats à l’installation à la campagne.

En plus de la mobilisation de données permettant de mesurer la réalité des déménagements des Français depuis le début de la crise sanitaire, des enquêtes de terrain ont été menées. Elles témoignent d’une grande diversité des profils « d’exodeurs » et montrent l’émergence de nouveaux modes de vie.

Parmi les plus médiatisés, il y a les cadres supérieurs avec enfants qui allient mobilité et télétravail. Tous, cependant, ne sont pas des Parisiens surqualifiés arrivant en terre inconnue avec leurs bottes en caoutchouc toutes neuves. La sociologue Anaïs Collet note que la plupart ne sont d’ailleurs pas vraiment des « néos ». Ils ont des attaches locales et reviennent après un passage par une grande agglomération, avec le désir de voir grandir leurs enfants à leur tour dans la nature. C’est plus, dit-elle, une logique de transmission intergénérationnelle d’une socialisation rurale qu’un tournant néorural.

Un autre profil médiatisé est celui des très diplômés en reconversion. Eux aussi ont souvent des origines rurales et des préoccupations écologiques. Mais ils sont moins dans une logique de rupture que leurs prédécesseurs des années 1970 et organisent leur transition par étapes. Dans un couple, l’un va garder un emploi métropolitain en télétravail, l’autre lancer une activité locale par exemple une épicerie coopérative, une boulangerie, une structure de permaculture… Le taux de réussite de ces microentreprises reste néanmoins encore faible et leurs retombées économiques difficiles à mesurer.

Les cadres et surdiplômés ne sont pas les seuls à s’éloigner des villes. Moins médiatisés, il y a les retraités. Toujours plus nombreux, ils privilégient les zones de villégiature, notamment littorales.

Les chercheurs ont aussi identifié un phénomène de « néoruralité pragmatique » et « d’extension du domaine périurbain : des ménages de catégories intermédiaires et populaires qui, pour accéder à la propriété, sont contraints de reculer dans les périphéries lointaines.  Dans ce cas, les contraintes financières  se combinent à des ruptures biographiques plus traditionnelles (divorce, maladie, rupture professionnelle…)”.

Davantage sous les radars encore, il y a les populations marginales, à la précarité plus ou moins subie. Certains sont en quête d’un mode de vie alternatif dans des habitats légers (tiny houses, yourtes…) ou communautaires (éco-hameaux…). D’autres vivent en semi-nomadisme (camion, caravane… ) ou en auto-construction clandestine. Ils cherchent des formes d’autonomie, des territoires d’entraide, mais aussi à l’écart des grands axes et dotés de ressources naturelles. Mobiles et méfiants, ils sont difficiles à quantifier, mais leur nombre aurait augmenté depuis le confinement disent les acteurs locaux.

Outre les déclencheurs traditionnels de la mobilité vers la campagne (comme le départ à la retraite, l’arrivée des enfants…), les chercheurs identifient des déclencheurs inédits (comme l’éco-anxiété), ou renforcés par les crises (comme la dégradation des conditions de travail…). Ainsi, la pandémie n’explique pas à elle seule les départs. Elle a plutôt joué un rôle de “catalyseur”, en accélérant des projets de départ déjà en germe. Les maires ne sont pas toujours armés pour répondre aux besoins de ces nouvelles populations. Alors comme à chaque fois, ils se regroupent, ils échangent, ils expérimentent, ils cherchent, ils tâtonnent et et il au final, ils contribuent, avec ces nouveaux acteurs à dessiner la ruralité de demain.