Ruralité (s)
Ruralité, voici un terme bien étrange qui mérite peut-être que l’on s’y attarde. Il est emprunté au latin
ruralis qui désigne les champs et la campagne, lui-même dérivé de rus qui a donné rusticité.
Dans l’imagerie populaire, il renvoie à la fois à l’image de la France des villages, de la France paisible.
Il fleur bon le bien vivre ensemble, la tranquillité et la convivialité. Mais, il évoque aussi l’abandon, la
désertification, l’éloignement et pourquoi pas la désuétude ou le caractère arriéré. Alors finalement
c’est quoi la ruralité ? Est-ce qu’on met bien tous la même chose derrière ce mot. Et d’ailleurs doit-on
parler de la ruralité ou des ruralités tant les réalités auxquelles il renvoie sont hétérogènes. Il est grand
temps de se pencher sur le sujet.
Partons de quelques éléments objectifs. La ruralité, c’est d’abord de grands espaces et une densité de
population plus faible qu’en ville. Une première observation est que, pour l’INSEE, le rural est pensé
par défaut. L’INSEE s’est d’abord construit des outils, des indicateurs, des concepts pour penser la ville.
Le rural apparaît donc comme… Tout ce qui n’est pas la ville.
Dans les discours, le rural peut être abordé sous un angle productif. Il est alors volontiers assimilé à
l’agricole. Les agriculteurs restent en effet les principaux acteurs de la fabrication et de l’entretien du
paysage rural. Ils ne représentent pourtant plus que 10 % de la population de nos campagnes. Le rural
peut également être abordé sous l’angle récréatif. Il est cet espace où l’on va se « mettre au vert » ou
l’on vient se ressourcer, se reposer. On y découvre alors souvent avec déception que la campagne est
particulièrement bruyante. Pas comme la ville bien sûr. Elle a ses bruits caractéristiques, inhérents à
son activité, ses engins à moteur, ses animaux, ses cloches.
Derrière le fantasme, derrière le discours passéiste ou idéalisé, il y a une réalité d’une extraordinaire
complexité. La ruralité, c’est avant tout un espace vécu qui a ses propres spécificités.
Les mondes ruraux rassemblent des populations très diverses. Ils sont loin d’être des mondes
homogènes. Les familles implantées depuis des générations côtoient des ouvriers et des employés
poussés loin des villes par le prix du foncier, des fonctionnaires nommés par leurs administrations, des
néoruraux qui arrivent majoritairement au moment de la retraite. Ce conglomérat d’individus très
différents forme une dynamique qui a, sur le plan social et politique, ses caractères propres.
Sur le plan social, de récents travaux de sociologie ont montré que les espaces ruraux sont caractérisés
par l’interconnaissance favorisée par les logiques de parentés et de voisinage dans des espaces peu
denses. Ici, tout le monde ou presque se connaît. Cette Interconnaissance qui structure le monde rural
est pourtant en crise. Cette crise (qui se cesse de s’accélérer) puise ses racines dans les années 80 avec
la dissociation des scènes professionnelles et résidentielles. On travaille de moins en moins ou on vit.
Et du coup, on connait de moins en moins ses voisins même si statistiquement, on continue à les
connaitre plus qu’en ville.
Sur le plan politique, les espaces ruraux tirent leur spécificité de la petite taille des unités de
population. Cette petite taille fait de nos villages des espaces de plus grande capacité d’action
politique. Ici, plus qu’ailleurs, il est permis d’espérer être acteur dans la construction de la cité.
Statistiquement on retrouve parmi les élusruraux des populations que la ville exclut de la vie politique.
La barrière par rapport à la vie élective est moindre. Chacun peut espérer une meilleure expérience
de citoyenneté active. La limite a cela est l’ensemble loi qui de la loi Voynet à la loi Notre en passant
par un grand nombre d’autres ont eu tendance à vider la commune de sa substance au profit
notamment de l’intercommunalité. Or dans l’intercommunalité on retrouve des personnels politiques
dont les profils tendant à se rapprocher des profils que l’on trouve en ville.