Vieillir à la campagne
Ce weekend, dans de très nombreuses communes du département c’était le traditionnel « repas des ainés ». Ma chère commune de Saint Sigismond ne faisait pas exception. Ravis de nous retrouver enfin après ces années de de covid nous avons échangé, partagé.
Comme chaque année, j’ai pu voir des personnes très majoritairement heureuses de vieillir en milieu rural.
Qu’elles y habitent depuis toujours ou qu’elles aient décidé de se mettre au vert à la retraite, les personnes âgées sont majoritairement satisfaites de vieillir en milieu rural. Ce sentiment corrobore une étude des Petits frères des pauvres parue en 2019, 63% des personnes âgées habitant des zones rurales s’y disaient très heureuses de l’endroit où elles habitent contre 54% de l’agglomération parisienne et 58 % pour les grandes agglomérations.
Alors, finalement, l’isolement des personnes âgées en milieu rural, c’est un mythe ou réalité ?
Le milieu rural est a priori perçu comme un milieu de vie difficile, porteur d’isolement des personnes âgées. Pour ma collègue sociologue Catherine Gucher, les sentiments de solitude et d’isolement ne sont pas plus présents en milieu rural qu’en ville. En milieu rural isolé (à distinguer du milieu rural sous influence urbaine c’est-à-dire proche des villes) « on peut observer que l’ancrage de longue date et parfois transgénérationnel sur ces territoires permet aux personnes âgées d’être moins à l’écart, moins disqualifiées qu’en ville ». Cette reconnaissance de la personne âgée en milieu rural va ainsi lui permettre de bénéficier « de solidarités de proximité plus importantes ». Implantées depuis longtemps sur le territoire, les personnes âgées en connaissent les habitants et vont pouvoir, de ce fait, bénéficier de services : un voisin qui leur fait des courses, les conduit chez le médecin ou encore les aide dans les démarches administratives.
Leur statut est également différent. En milieu rural isolé, les personnes âgées sont aussi perçues comme ayant un rôle à jouer, elles ont « un statut d’ordre patrimonial car elles connaissent l’histoire de ce territoire ». On les retrouve donc parfois investies dans l’équipe municipale ou actives dans des associations. Des activités intergénérationnelles permettant la transmission des savoirs et de la mémoire des personnes âgées se développent aussi fréquemment en milieu rural sur l’impulsion des communes ou d’associations.
Quels sont les avantages de vivre à la campagne ? Plus de solidarités, une identité plus reconnue, mais aussi un cadre de vie éloigné du stress et de l’air pollué des agglomérations. On peut aller chercher des champignons, se balader en forêt, planter un petit potager dans le jardin de son petit pavillon ou aller à pied se fournir en fromages à la ferme du coin… Vieillir en milieu rural est aussi l’occasion de s’aérer, de pratiquer une activité physique loin du bitume des grandes villes et de manger plus local. Autant d’activités qui contribuent également à permettre aux personnes âgées la conservation de leur autonomie. Les personnes âgées peuvent ainsi goûter à la quiétude de la vie à la campagne ou en pleine nature, ce qui a des conséquences positives sur leur niveau de stress et donc par conséquent également sur leur cerveau.
Malgré tout, vieillir en milieu rural pose des difficultés en matière de transports et de services de proximité au quotidien. Les personnes âgées y sont affectées par la disparition des services publics et des petits commerces dans les villages. Bars-tabacs, boulangeries, supérettes, les commerces de proximité en milieu rural sont nombreux à fermer leurs portes et à ne jamais les rouvrir. Un phénomène difficile à éviter dans les zones rurales isolées « où on constate un exode des populations les plus jeunes car il n’y a pas d’offre de formation et ces populations ne reviennent jamais habiter sur le territoire bien plus tard ».
Cette disparition des petits commerces de proximité en milieu rural est d’autant plus difficile à vivre que les personnes âgées sont parfois dans l’incapacité de conduire et donc de pouvoir faire leurs courses par exemple. D’où la nécessité de trouver des alternatives de transport pour votre pour faciliter sa vie en milieu rural. De nombreuses initiatives existent dans ce domaine publiques, privées, commerciales…
L’absence de commerces et de service de proximité en milieu rural prive aussi les personnes âgées de lieux de rencontre : aller acheter sa baguette à pied, c’était aussi l’occasion de croiser quelqu’un à la boulangerie et d’échanger quelques mots. Face à ce phénomène, on constate « une tendance à se rapprocher des centres-bourgs pour accéder aux commerces de première nécessité, un mouvement parfois soutenu par les municipalités qui créent par exemple des logements regroupés pour les personnes âgées comme un petit programme d’habitat à loyer modéré ».
Autre élément important à prendre en compte pour une personne âgée, c’est la possibilité d’avoir accès à des soins médicaux. « Sur le maintien à domicile, il n’y a pas de grande différence avec ce qui se passe en ville. Les personnes âgées vont trouver en milieu rural une offre de service d’aide à domicile ou de soins à domicile pour l’aide au quotidien mais quand il s’agit de soins médicaux ou de soins spécialisées, c’est plus compliqué ».
Selon l’étude des petits frères des pauvres un quart des habitants en zone rurale considèrent vivre dans un désert médical. Certains départements concernés par la désertification médicale en milieu rural développent des systèmes de télémédecine pour permettre des consultations à distance. Apparaissent alors de nouveau enjeux : celui de la qualité du réseau internet du territoire et celui de la maitrise des technologies. Vieillir à la campagne est donc possible et même souhaité par beaucoup de nos concitoyens. Mais cela ne doit pas se faire à n’importe quelle condition. Maintien d’un tissu économique, social, technologique sanitaire adaptés sont ces conditions nécessaires. Et nous y avons tous notre part. Nous avons tous une marge de manœuvre, plus ou moins grande, plus ou moins déterminante : acteurs politiques, économiques, associatifs, administratif, nous pouvons agir…. Ensemble.