Réduire les Inégalités Rurales : Vers des Politiques Jeunesse Plus Efficaces

Une étude récente du CREDOC, vient alimenter des chiffres de l’INSEE et révèle une situation pour le moins préoccupante : 27% des jeunes vivent en milieu rural, mais seulement 1 sur 10 poursuit des études supérieures. Ceux qui partent pour étudier ne reviennent généralement pas.

Les jeunes ruraux entrent plus tôt sur le marché du travail, souvent dans des conditions genrées. Selon Olivier Galland, “les jeunes ruraux sont souvent contraints par les limites géographiques et économiques de leur environnement, ce qui freine leurs aspirations et opportunités” (Galland, 2001). Les politiques publiques pour les jeunes ruraux sont essentielles au développement socio-économique des territoires ruraux mais aussi et surtout pour les jeunes ruraux eux-mêmes.

Partie 1 : Les Politiques de l’État

1.1. Accès à l’Éducation et à l’Emploi

De nombreuses politiques de l’État visent à réduire les inégalités entre zones urbaines et rurales. Elles ont evolué au fil de temps dans leurs formes et leurs modalités mais de manière generale elles se concentrent sur l’accès à l’éducation, à la formation professionnelle et aux opportunités d’emploi. “Les politiques de jeunesse doivent répondre aux besoins spécifiques des jeunes en leur offrant des opportunités adaptées à leur environnement” (Galland, 2001). Des programmes spécifiques, tels que des aides financières pour la mobilité et des bourses d’études, sont mis en place pour favoriser l’insertion professionnelle et sociale des jeunes ruraux.

Le bilan des politiques publiques en direction des jeunes ruraux en France est mitigé. Sur le plan éducatif, les initiatives numériques ont amélioré l’accès aux ressources, mais les fermetures d’écoles locales et la qualité des infrastructures restent problématiques​ (Vie Publique)​. En matière d’emploi, les programmes de formation et les subventions pour l’entrepreneuriat sont des points positifs, mais les opportunités locales demeurent limitées, incitant les jeunes à migrer vers les villes​ (Inter-réseaux)​. L’accès aux soins de santé est également un défi, malgré des avancées comme la télémédecine et les centres mobiles de santé​ (La Croix)​. Enfin, les infrastructures de loisirs et culturelles sont souvent insuffisantes, contribuant à l’isolement social des jeunes ruraux. Le nouveau plan “France ruralité” tente d’adresser ces enjeux avec des aides spécifiques et des conseillers pour soutenir les projets locaux​ (La Croix)​.

1.2. Standardisation des Politiques

Renaud Epstein est parmi les premiers à noter une tendance à la standardisation des politiques, au détriment des solutions locales adaptées. Cette uniformisation, dit-il, agit comme une renationalisation implicite des décisions locales. Cela peut limiter la pertinence et l’efficacité des politiques dans les contextes locaux spécifiques, car une approche unique prend mal en compte les diversités locales et les besoins spécifiques des différentes régions.

1.3. Innovations et Initiatives Récentes

Des initiatives récentes montrent l’importance de l’innovation. Ainsi par exemple, le projet “Campus Connecté” permet aux jeunes ruraux d’accéder à l’enseignement supérieur à distance, tandis que le programme “Mobilité Rurale” soutient financièrement les déplacements pour des stages ou des emplois en ville. Ces programmes illustrent combien les politiques peuvent être adaptées pour mieux répondre aux besoins des jeunes ruraux.

Partie 2 : Les Collectivités Locales

2.1. Partenariats État-Collectivités

Le partenariat entre l’État et les collectivités locales est crucial pour la mise en œuvre efficace des politiques de jeunesse. Cécile Van de Velde, pour ne citer qu’elle, souligne combien la coopération entre les différents acteurs locaux est cruciale pour assurer une cohérence et une complémentarité des actions en faveur des jeunes. Ces partenariats permettent de mutualiser les ressources et de coordonner les actions pour une efficacité accrue. Si le principe semble acter et ne plus faire débat, les résistances à sa mise en œuvre restent nombreuses et proviennent de toutes les parties prenantes.

2.2. Compétence Jeunesse dans les Collectivités

Les collectivités locales rurales jouent un rôle clé en matière de jeunesse à l’échelon intercommunal. Elles disposent souvent de services dédiés à la jeunesse, responsables de la mise en place d’activités et de programmes éducatifs, culturels et sportifs. Jacques Donzelot affirme que “les services de jeunesse locaux jouent un rôle essentiel dans la création de liens sociaux et l’intégration des jeunes dans leur communauté”.

2.3. Standardisation et Homogénéisation des Pratiques

Depuis les premières lois de décentralisation, on constate une standardisation des pratiques en matière de jeunesse. Cette homogénéisation est due à plusieurs dynamiques :

  • Homogénéisation des formations : On observe une uniformisation des formations des personnels et une circulation des agents, qui adoptent des pratiques similaires en passant d’une collectivité à une autre.
  • Compétition interterritoriale : Chaque territoire cherche à attirer des populations en imitant les pratiques ayant obtenu les meilleurs résultats ailleurs.
  • Isomorphisme institutionnel : Ce concept, développé par Paul DiMaggio et Walter Powell, décrit une uniformisation qui peut être de trois types :
    • Isomorphisme mimétique : Les collectivités s’imitent mutuellement pour adopter les pratiques qui semblent les plus efficaces ou populaires.
    • Isomorphisme coercitif : Les parties prenantes locales, comme l’État ou les organismes financeurs, imposent des normes et des pratiques standardisées.
    • Isomorphisme normatif : Les normes professionnelles et les standards éducatifs imposés par des institutions de formation ou des associations professionnelles standardisent les pratiques.

Partie 3 : Le Rôle des Agents de l’État et des Communautés de Communes

3.1. Les Agents de l’État comme Médiateurs

Les conseillers d’éducation populaire et de jeunesse (CEPJ) jouent un rôle crucial dans l’accompagnement des jeunes ruraux. Selon Arnaud Regnier-Loilier, “les agents de l’État sont des médiateurs indispensables entre les jeunes et les institutions, facilitant l’accès aux ressources et aux opportunités”. Concrètement, les CEPJ se rendent visibles et identifiables auprès des collectivités par leur volonté de contribuer à :

  • Mettre en œuvre les politiques publiques en matière de jeunesse.
  • Suivre et participer à l’évaluation des projets locaux en lien avec les jeunes.
  • Promouvoir les valeurs républicaines et l’engagement citoyen auprès des jeunes.

3.2. Les Communautés de Communes

Les communautés de communes jouent un rôle stratégique dans les politiques de jeunesse non pas par destination mais parce que le législateur leur en a donné les moyens et la fonction. Il n’est pas d’échelon qui s’impose naturellement comme j’ai déjà eu l’occasion de le développer par ailleurs . Elles coordonnent les actions des différentes communes pour garantir une cohérence et une efficacité accrues des interventions. Elles peuvent également servir de plateforme pour le partage de bonnes pratiques et la mutualisation des ressources, permettant ainsi d’optimiser l’impact des initiatives en faveur des jeunes. Cecile Van de Velde affirme que “les communautés de communes sont des acteurs essentiels pour la mise en œuvre de politiques de jeunesse cohérentes et efficaces”.

3.3. Exemples Concrets et Innovations

Des projets comme “Campus Connecté” et “Mobilité Rurale” illustrent l’importance de l’innovation et de l’adaptation des politiques aux besoins spécifiques des jeunes ruraux. En 2022, le programme “Campus Connecté” a permis à plus de 2 000 étudiants de suivre des cours universitaires à distance tout en bénéficiant d’un accompagnement local. Ces initiatives montrent comment les politiques peuvent être adaptées pour mieux répondre aux besoins des jeunes ruraux.

Conclusion

Les politiques de jeunesse en milieu rural nécessitent une approche concertée et collaborative entre l’État et les collectivités locales. La place des compétences jeunesse, le rôle des agents de l’État, les visions de la jeunesse et la coopération avec les communautés de communes sont des éléments déterminants pour garantir l’efficacité de ces politiques. En renforçant ces partenariats et en valorisant les initiatives locales, il est possible de répondre aux défis spécifiques des jeunes ruraux et de leur offrir de meilleures perspectives d’avenir.

Références Bibliographiques

  • Galland, Olivier. (2001). Sociologie de la jeunesse. Paris: Armand Colin.
  • Van de Velde, Cécile. (2008). Devenir adulte: Sociologie comparée de la jeunesse en Europe. Paris: Presses Universitaires de France.
  • Regnier-Loilier, Arnaud. (2010). Transitions à la vie adulte: Un nouveau contrat entre générations. Paris: INED.
  • Donzelot, Jacques. (2003). Faire société: La politique de la ville aux États-Unis et en France. Paris: Seuil.
  • Laureau, Annette & Weininger, Elliot B. (2003). “Cultural capital in educational research: A critical assessment.” Theory and Society, 32(5/6), 567-606.
  • Epstein, Renaud. (2013). Les politiques de la ville. Paris: La Découverte.