Progrès, croissance, développement : quelles différences ?
On les confond souvent. Pourtant, ces trois notions ne se recouvrent pas. Elles renvoient à des logiques différentes. Voyons ça de plus près.
1. Le progrès : une idée contestée
Le progrès suppose une amélioration continue. Une société irait d’un état « primitif » à un état « avancé ». Cette vision, héritée des Lumières, a structuré la pensée occidentale. Auguste Comte, Herbert Spencer ou encore Rostow y voyaient un moteur de l’histoire. Mais cette idée a ses limites. Marshall Sahlins (2009) rappelle que toutes les sociétés ne suivent pas la même trajectoire. Jean-Pierre Olivier de Sardan (1995) montre que cette croyance sert parfois à justifier des interventions extérieures, au nom d’un modèle prétendument universel.
2. La croissance : un indicateur trompeur
La croissance, c’est une augmentation mesurable, souvent économique. On la calcule avec le PIB, les revenus, la production. Depuis Rostow (1960), elle est souvent présentée comme un passage obligé vers le développement. Mais elle ne dit rien des inégalités ou du bien-être. Amartya Sen (1999) et Serge Latouche (2006) critiquent cette approche. Polanyi (1944) rappelle que l’économie n’est jamais indépendante des structures sociales. Bref, plus de richesse ne signifie pas toujours une société “meilleure”.
3. Le développement : un concept ambigu
Le développement va au-delà de l’économie. Il inclut la santé, l’éducation, les droits humains. Pourtant, il est loin d’être neutre. Arturo Escobar (1995) montre qu’il est aussi un discours de pouvoir, imposant un modèle occidental aux sociétés concernées. Olivier de Sardan (2021) analyse comment les projets de développement sont détournés, réinterprétés par les populations locales. Rien n’est jamais linéaire.
Trois notions, des tensions
Croissance sans progrès ? Possible. Développement sans croissance ? Aussi. L’anthropologie critique ces catégories et rappelle qu’il n’existe pas une seule voie, mais une pluralité de trajectoires. Bref, plutôt que d’imposer des modèles, mieux vaut observer les transformations réelles… et leurs effets sur les populations.