Réhabiliter la gentillesse
Après la fête, il fallait finir de ranger. Les enfants, les amis avaient beaucoup aidé mais ils avaient dû finir par partir. Il restait à faire. Le matériel était lourd. Je n’aurais pas pu y arriver seul. Patrick et Charles sont venus. Sans un mot de trop, ils ont porté, soulevé, poussé , tiré. Leur geste avait la simplicité des évidences.
On dit parfois « il est gentil ». Cela cingle comme du mépris, comme si cela signifiait naïf ou faible. Mais Patrick et Charles ont rappelé qu’être gentil, c’est autre chose. C’est être attentif, disponible, serviable. Donner sans calcul, sans attendre de retour. Camus disait que la vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. Eux l’ont fait, naturellement.
Mauss a montré que le don crée du lien. Ce soir-là, le lien se tissait dans l’effort partagé, dans l’entraide silencieuse. Et je repensais à Saint-Exupéry ( que j’aime décidément beaucoup) : « la grandeur est d’unir les hommes ». Patrick et Charles, dans leur manière d’être, unissaient sans le dire.
Dans un monde obsédé par la performance et la compétition, la gentillesse paraît hors de saison. Mais elle est peut-être ce qui nous sauve. Une force discrète, politique au sens le plus noble : celle qui rend la vie commune possible.