Gander : la fraternité sans consignes
Un épisode de la série : « Survivre ensemble – Ce que les extrêmes révèlent du lien social »
7 récits réels, 7 situations-limites, 7 analyses sociologiques pour penser ce qui nous relie quand tout vacille
11 septembre 2001. Les États-Unis ferment leur espace aérien. Trente-huit avions sont déroutés vers une ville canadienne inconnue du grand public : Gander, Terre-Neuve. En quelques heures, cette ville de 9 000 habitants accueille plus de 7 000 passagers. Pas de plan, pas d’instructions. Juste un élan.
Mais ce n’est pas juste une belle histoire. C’est une démonstration : une société peut générer de la solidarité spontanée sans qu’elle soit décrétée. Et ça, la sociologie peut l’expliquer.

Une société d’accueil improvisée
Les habitants ouvrent leurs maisons, leurs gymnases, leurs frigos. Ils hébergent, nourrissent, rassurent. Ils créent des listes, des tours de garde, des repas collectifs. Loin du chaos redouté, c’est une auto-organisation chaleureuse qui émerge.
Marcel Mauss parlait du don comme fondement du lien social. À Gander, le don s’est imposé comme réflexe.
Quand la norme précède la règle
Aucune institution n’a donné d’ordre. Et pourtant, les comportements se sont alignés. Les chercheurs en psychologie sociale l’ont observé : en contexte d’incertitude, les normes se créent par imitation et reconnaissance mutuelle.
Ici, le besoin de sens commun a prévalu sur la peur. On ne savait pas quoi faire… alors on a pris soin.
Une leçon politique
Dans un monde fracturé, Gander rappelle que la solidarité ne vient pas toujours d’en haut. Elle peut émerger d’un récit partagé, d’une histoire commune improvisée, d’un besoin d’agir ensemble. Ce n’était ni un plan d’urgence, ni une consigne. C’était un moment de société.
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- Batavia : l’enfer, c’est l’Homme sans freinUn épisode de la série : « Survivre ensemble – Ce que les extrêmes révèlent du lien social »… Lire la suite : Batavia : l’enfer, c’est l’Homme sans frein
- Le radeau de La Méduse : quand l’État s’efface1816. La frégate La Méduse s’échoue au large de la Mauritanie. Trop de passagers, pas assez de canots. On improvise un radeau. 147 personnes s’y entassent. Ils dérivent 13 jours. 15 survivants. Le reste ? Mort de soif, de faim, ou de violences.
- Sous le sable, la dignité : les oubliés du camp de BayoEn plein Sahara, entre 1941 et 1944, un camp militaire français enferme 2000 soldats africains. Ils ne sont ni prisonniers de guerre, ni déserteurs, ni ennemis. Ils sont tirailleurs de l’armée française, faits prisonniers par les nazis puis livrés au régime de Vichy, qui les déporte dans le sud algérien.
- L’altitude du désespoir : quand la faim redéfinit le lien social1972. Un avion s’écrase dans la cordillère des Andes. L’altitude : 3 600 mètres. Le froid : glacial. Les secours : introuvables. Pendant 72 jours, les survivants vont s’organiser. Pour survivre, franchir une frontière morale : manger les corps de leurs camarades morts.
- Quand l’obéissance tue : le drame oublié de l’expédition Franklin1845. 2 navires quittent l’Angleterre pour percer un des derniers mystères de la planète : découvrir le passage qui relierait l’Atlantique au Pacifique par le nord du Canada. À leur bord, 129 hommes. 3 ans plus tard, il ne reste rien. Ou presque : quelques os rongés, des lettres figées dans la glace, des traces de cannibalisme.