Femmes en milieu rural

Des statistiques récentes sont venues perturber les idées reçues sur les populations qui font vivre notre France rurale.

Fanny Renard et Sophie Orange ont mené une enquête auprès des femmes rurales de l’Ouest de la France pour comprendre les logiques, les choix et les visions qui se cachent derrière la statistique. Elles sont donc parties à la rencontre de ces femmes qui, pour nombre d’entre elles, vivent à proximité de leurs parents, dans leur village d’origine et travaillent dans le métier du Care et de l’esthétique.

Comme souvent, quand on prend la peine de chercher derrière les apparences, on découvre une réalité beaucoup moins simple qu’il n’y paraît. Tout d’abord, la sédentarité des jeunes femmes n’est qu’apparente. Elles apprennent très tôt à bouger. Dès l’enfance, elles se déplacent dans le cadre des regroupements scolaires intercommunaux, ensuite dans l’enseignement secondaire puis, pour certaines, à l’université. Même si elles partent loin étudier, elles n’ont pas l’impression de partir, car elles rentrent le week-end dans leur village où elles continuent à avoir des liens et des activités sportives ou culturelles. Elles sont habituées à bouger tout en restant sur place.

Ces jeunes femmes se disent attachées à l’école et au diplôme tout en étant soucieuses de suivre une formation préparant à un emploi. Elles sont en majorité soutenues par leurs parents dans cette demarche. Dans un territoire marqué par une forte implantation de l’enseignement privé et par un fort développement de l’apprentissage, l’offre de formation donne lieu à une concurrence entre établissements publics et privés. Cette concurrence nourrit un prosélytisme en direction des jeunes femmes pour les attirer dans certains établissements et dans certaines filières.

Ces processus orientent les jeunes femmes vers ces emplois qui trouvent chez elles un accueil favorable, car il raisonne avec leur passé familial et leurs expériences. La prise en charge des grands-parents, des  frères et des sœurs, le choix professionnel d’autres femmes de la famille dans le même secteur d’activité…. Tout cela agit comme un effet de renforcement. Ces jeunes femmes ont construit familialement des habitudes au soin des autres. La formation qui se présente à elle vient, en quelque sorte, répondre à leurs attentes.

Etde fait, il n’est offert à ces jeunes femmes guère d’autres possibilités. La formation professionnelle reste encore largement ségréguée selon le sexe. Malgré de nombreuses lois en faveur de la mixité des filières, la formation et le service public de l’emploi renforcent l’assignation des jeunes femmes à ces emplois.

Même fortement contraint, cela reste un choix de leur part et elle développent  un fort attachement vis-à-vis des personnes dont elles ont la charge. Elles se sentent responsables de leurs parentèles, patientèle ou de leur clientèle au point de s’interdire d’arrêter, même quand c’est très difficile. Elles se sentent tenues. Elles reçoivent de leur patientèle ou de leur clientèle des gratifications symboliques. Tous reconnaissent que le travail de ces femmes (en grande partie non délocalisable et difficilement teletravaillable) est important pour le territoire.

Le fait d’avoir un emploi donc un salaire permet une émancipation. Elles occupent des terrains jusque-là fermés aux femmes. Plusieurs sont par exemple, pompiers volontaires. L’organisation domestique n’est plus centrée sur le travail du conjoint. Elle prend en compte le travail de ces femmes qui ont souvent des horaires décalés. Elles font valoir au sein de leur couple l’importance de leur travail. Leur scolarité souvent plus longue que celle du conjoint les amène à développer des pratiques culturelles différentes qu’elles initient dans le couple. Il y a des éléments de reproduction du modèle familial comme une mise en couple précoce ou encore  l’achat d’une maison. Mais ces normes sont retravaillées et articulées avec d’autres normes comme l’importance d’avoir son emploi à soi, des loisirs à soi…

Par leurs parcours, leurs activités, leurs aspirations… les femmes, comme, à leur manière les hommes, les jeunes, les vieux… participent de manière determinante à la vie de nos territoires ruraux et contribuent à dessiner la France de demain.