Les défis de la ruralité

L’attractivité des territoires ruraux est une réalité incontestable. Elle semble même plus que jamais en phase avec les aspirations des Français à une meilleure qualité de vie.  Pour autant, non seulement il y a des ruralités qui se portent mieux que d’autres, mais la diversité des ruralités appelle autant solutions différentes.

Les défis à relever sont nombreux, mais chaque territoire devra les relever à sa manière, avec ses ressources, ses forces vives et ses spécificités. Parmi ces défis, certains sont particulièrement cruciaux :

  • La désertification médicale gagne encore du terrain notamment en milieu rural. L’Association des Maires Ruraux de France tirait une nouvelle fois la sonnette d’alarme en 2021 dans une étude réalisée par le Professeur Emmanuel Vigneron[1]. Cette étude pointait la détérioration de l’accès aux soins dans nos campagnes. Le nombre de territoires sans médecins avait augmenté de 62 % en sept ans. Depuis, la tendance ne se stabilise pas. Pour autant, les territoires ruraux continuent à expérimenter des solutions diverses (montée en puissance de la télémédecine, maisons médicales, médecins salariés, partenariats avec des établissements de santé…) avec parfois de beaux succès.
  • Le recul du nombre de commerces de proximité dans les territoires ruraux depuis les années 1990, est, lui aussi, bien réel. Mais plutôt qu’une désertification, il s’agit en réalité d’une évolution des formes d’offre commerciale : développement des supérettes franchisées, initiatives citoyennes sous forme associative, équipements en libre-service… La diversification des services proposés poursuit un objectif d’adaptation aux évolutions des pratiques quotidiennes des habitants. C’est le seul moyen véritablement efficace de faire durer un service.
  • Les besoins de mobilité et le recul des transports collectif constituent aussi un enjeu important. Le transport en milieu rural est un sujet complexe au cœur des préoccupations de nombreux responsables territoriaux. Aujourd’hui, nous entamons la timide et douloureuse sortie d’une période qui voyait la voiture comme LE moyen de déplacement dans la quasi-totalité des situations. Les problématiques actuelles poussent les citoyens à se tourner vers des alternatives. La conscientisation environnementale, mais aussi le vieillissement de la population, les préoccupations en termes de sécurité, l’engorgement des entrées de grandes agglomérations… font tourner les regards vers le transport collectif. Mais si des réseaux sont plutôt bien implantés en zones urbanisées ou à fort potentiel touristique, c’est loin d’être le cas dans les espaces ruraux. Alors se font jour ou s’envisagent des initiatives diverses (réutilisation du réseau ferré avec du matériel innovant, offres de covoiturages à échelle locale, développement des mobilités dites « douces » …).
  • Le maintien des services du quotidien est aussi un sujet d’actualité, car les politiques successives dites « de modernisation » des territoires ruraux ont (disons-le) « détricoté » toujours un peu plus les services publics et les services au public. Cette problématique ravive les angoisses des habitants des territoires ruraux. Elle oblige à réfléchir à de nouvelles formes de présence (et éventuellement de mutualisation) des services qu’ils soient scolaires, médicaux, sociaux, postaux, fiscaux… Les habitudes des usagers changent. A cela, le numérique n’est pas étranger. Mais n’oublions jamais que le besoin de proximité et de lien social demeure.

Cette liste de défis n’est bien entendu pas exhaustive. Mais, pour faire face à ces enjeux, il est absolument nécessaire qu’ensemble (responsables politiques locaux, nationaux, acteurs économiques, sociaux ou culturels) nous marquions une vraie volonté de valorisation des territoires ruraux. Il faut rompre avec cette pensée métropolitaine qui tend à considérer que le rural, c’est de l’urbain déficitaire, de la ville carencée.

Il ne suffit pas seulement de développer une politique coordonnée du « dernier kilomètre », ou d’achever le déploiement de la fibre. C’est surtout une politique ambitieuse, coconstruite et partagée qui doit être édifiée sur une vision de long terme, sans oublier de porter une considération perceptible aux populations. Il s’agit d’avoir une approche en rupture claire avec l’image habituelle accordée aux territoires ruraux. Cette approche doit être marquée par une volonté politique qui assure (et c’est bien le minimum) l’applicabilité des décisions prises et leurs adaptations permanentes.

Il faut rompre aussi de toute urgence avec une pensée technocratique qui mesure, segmente, classe, ordonne, évalue le monde rural pour mieux lui appliquer des procédures, des dispositifs, des programmes, des appels à projets ou à manifestation d’intérêt. N’oublions jamais que quand la bureaucratie avance, c’est la démocratie qui recule.


[1] D’après cette étude, dans les bassins de vie ruraux, un médecin généraliste couvre en moyenne 30 km³, contre 5 km³ dans les bassins de vie urbains. L’accessibilité à la présence médicale est donc 6 fois plus faible en milieu rural qu’en milieu urbain.