Quand « la Thatcher des Pays de la Loire » applique la recette de l’irresponsabilité… et cartonne en marketing politique !
Si vous pensiez que Margaret Thatcher s’était réincarnée dans un autre espace-temps, détrompez-vous : certains médias et figures politiques ont récemment qualifié Christelle Morançais, présidente du Conseil régional des Pays de la Loire, de nouvelle « Thatcher » locale. Étonnant ? Pas tant que ça, quand on voit l’ébullition médiatique autour de son style, pour le moins tranché. Et quand on parle d’« irresponsabilité politique » en mode turbo, il faut avouer que la comparaison avec la Dame de fer a de quoi susciter la curiosité.
1. Irresponsabilité politique, le meilleur des produits d’appel ?
L’irresponsabilité politique – ou du moins ce qu’on appelle ainsi quand on veut épicer un peu la conversation – peut s’avérer être un excellent levier de notoriété. Onle sait depuis Max Weber (Le Savant et le Politique, 1919) : la légitimité d’un leader repose sur sa capacité à assumer les conséquences de ses actes. Mais certains responsables, sans renier complètement leurs obligations, choisissent la « petite phrase » ou la posture clivante pour mieux marquer les esprits. Résultat ? Ils deviennent incontournables dans la presse, sur les réseaux, et parfois même dans l’esprit d’électeurs en quête de « nouveauté ».
Qui a dit que la responsabilité était tendance ?
Pour faire parler de soi, rien ne vaut un bon coup d’éclat. Dans le jeu politique moderne, Pierre Bourdieu (Sur la télévision, 1996) nous avait prévenu : la visibilité médiatique est un capital symbolique essentiel. Alors, quitte à se faire accuser d’être trop « autoritaire », on peut en profiter pour alimenter son image de leader – certains diraient même de « chef de guerre » local. Et quand en plus la presse vous baptise la « Thatcher des Pays de la Loire », c’est le jackpot de la com’ !
2. Christelle Morançais, Thatcher 2.0 ?
Un style (de fer) qui fait jaser
Dernièrement, plusieurs articles ont souligné la fermeté de Christelle Morançais dans ses prises de position. Que ce soit sur des décisions budgétaires jugées « musclées » par l’opposition ou sur son ton parfois cash envers les élus qui ne partagent pas sa vision, elle a su marquer le paysage local. Bernard Manin (Principes du gouvernement représentatif, 1995) nous rappelle ( et ce n’est pas un luxe) que les élus sont censés agir au nom de l’intérêt général, mais souvent, c’est la lutte pour la reconnaissance médiatique qui prime. Dans le cas de Morançais, cette recherche de reconnaissance semble passer par l’affirmation d’un leadership fort, parfois comparé au style intransigeant de Margaret Thatcher.
Pourquoi la « Dame de fer » et pas la « Dame de cœur » ?
« Thatcher » sonne tout de même plus redoutable que « Dame de cœur ». Or, en politique, avoir l’image de l’autorité peut payer, surtout si on sait manier la communication. À l’échelle régionale, se forger une réputation de « dirigeante à poigne » peut être un atout pour asseoir une légitimité. Et tant pis (ou tant mieux) si l’opposition agite les drapeaux rouges de l’irresponsabilité. Comme dirait l’adage : « On parle de moi, donc j’existe. »
3. Les recettes du succès (et du risque)
Se forger une image qui divise pour mieux régner
Le politologue Michel Offerlé (Les partis politiques, 2010) souligne combien la compétition interne et externe fait partie intégrante du jeu partisan. En jouant la carte de la polarisation, Christelle Morançais capte davantage l’attention. Résultat : les uns l’encensent pour sa « poigne », les autres la critiquent pour son « manque de dialogue ». Dans les deux cas, elle occupe le devant de la scène.
Surfer sur la polémique
Une déclaration-clé, quelques coups d’éclat dans la presse, et voilà les réseaux sociaux en ébullition. La suite ? Des articles, des éditos, des plateaux TV, et même la mention « Thatcher des Pays de la Loire ». Dans le grand marché de la visibilité, c’est ce qu’on appelle un ROI (Retour sur Investissement) plutôt intéressant. Mais attention : à trop en abuser, on peut finir par lasser l’opinion et user ses soutiens. La comparaison avec Thatcher, à la fois icône et repoussoir, n’est pas neutre : elle peut autant galvaniser un certain électorat que braquer ceux qui voient encore en la Dame de fer la figure d’un libéralisme implacable.
Entre gestion et show politique : la quadrature du cercle
Si Christelle Morançais doit porter la casquette de « la Thatcher des Pays de la Loire », elle doit aussi gérer concrètement les sujets régionaux : transports, budget, emploi, lycées… Un exercice délicat. Car plus on se forge une image radicale, plus on attend de vous un bilan « hors norme ». Or, comme le rappelle Pierre Rosanvallon (La légitimité démocratique, 2008), l’efficacité politique se mesure aussi à la capacité à rendre des comptes et à répondre aux attentes des citoyens. À ce titre, l’étiquette de « Thatcher » peut devenir un boulet si les résultats ne suivent pas.
En guise de conclusion (provisoire) : de la « Dame de fer »… à la « Dame de com’ » ?
Au fond, on ne sait pas si Christelle Morançais a adopté la posture d’irresponsabilité (ou de fermeté) par pur calcul ou par conviction profonde. Ce qu’on constate, c’est que la mécanique du buzz et des surnoms-chocs tourne à plein régime. Cette logique, Bernard Manin l’avait déjà entrevue : la démocratie représentative moderne est aussi un grand théâtre où l’image personnelle compte presque autant que le programme.
Alors, « irresponsable » ? « Dame de fer » ? « Thatcher des Pays de la Loire » ? La vérité se situera peut-être entre ces étiquettes, quelque part entre la gestion régionale concrète et le grand spectacle médiatique. En attendant, pour nous, spectateurs, le show continue : popcorn en main, on observe ce mélange de provocation et de fermeté, en se demandant si l’on assiste à la naissance d’une icône politique conservatrice… ou à un énième feu de paille. Tout cela serait très distrayant… S’il n’y avait en jeu des individus, des structures, une culture….et un territoire.
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Références citées :
Max Weber, Le Savant et le Politique (1919)
Pierre Bourdieu, Sur la télévision (1996)
Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif (1995)
Michel Offerlé, Les partis politiques (2010)
Pierre Rosanvallon, La légitimité démocratique (2008)
( Toute ressemblance avec des personnages réels n’est évidemment pas fortuite, et toute ironie est complètement assumée.)